10.11.2013

Nouvelle Vague : retour aux sources




Nouvelle Vague 1990

Lennox (avec un effet d’écho). Ne te retourne pas !
Voix de Lennox
Tout cela, ils avaient l’impression de l’avoir déjà vécu. Et leurs paroles semblaient s’immobiliser dans les traces (la musique reprend*) d’autres paroles d’autrefois. Ils ne faisaient pas attention à ce qu’ils faisaient, mais bien à la différence qu’ils voulaient que leurs actes de maintenant fussent du présent, et que des actes analogues eussent été du passé.
...Ils se sentaient grands, immobiles, avec au-dessus d’eux le passé et le présent comme les vagues identiques d’un même océan. 
* Musique : Paul Hindemith Mathis der Maler

Quelqu’un connaît-il la source de cette citation ? Si oui, laissez un commentaire. 
If anyone knows where this quote is taken from ? Please let’s a message here.

Retour aux sources
En 1990, Godard semble retourner aux sources d’histoires que les années politiques de son engagement cinématographique avaient gelées en slogans et manifestes : d’une part, les inoubliables histoire(s) de/du cinéma mont(r)ée(s) de 1988 à 1989,  d’autre part, histoire de retours avec Allemagne 90 neuf zéro ; et avec Nouvelle Vague histoire que j’aimerais nommer au plus court pour viser juste, histoires d’amour. Ou bien, encore fragment de discours sur l’amour (si l’on se souvient de la manière dont Barthes composa ce bouquin...) car Nouvelle Vague se compose comme un montage de discours sur l’amour. 
Polyphonie telle que le nom de Godard n’apparaît pas au générique. Comme si le réalisateur s’effaçait cette fois encore mais pour son compte (non au crédit du groupe Dziga Vertov comme ce fut le cas dans les années dites politiques) dans l’échange des voix qu’il s’agit de cadrer.
 Un cadre pour des commerces amoureux qui exigent un champ : 
une histoire, celle d’une femme riche « Elle » Elena Torlato Favrini, « La comtesse » incarnée par Domiziana Giordano et d’un homme pauvre « Lui » à qui Godard, -professionnel du contre-emploi- donne à jouer à Delon (ce contre-emploi se vérifiant si bien aujourd’hui ! mais c’est une autre histoire...) 
Un contre-champ : un renversement narratif : Elle, sera ruinée, Lui, Roger devenu « Richard » Lennox.  Autrement dit, un échange (Godard & le tennis bien sûr) jusqu’à qu’il soit échangé. 
Lennox : L’échange est échangé.  
Mais pour en arriver à ce même, celui que l’autre (Elle) va reconnaître, il y a de multiples voix au chapitre. 
Au chapitre des voix : On évoque souvent pour Nouvelle Vague les deux temps de la révélation biblique : L’ancien et le nouveau testament. C’est fait. 
Au chapitre des voix : Godard lors de la conférence de presse à Cannes après la présentation du film «Il y a du découpage dans le tennis. Il y a un rythme et une cadence. C’est très musical. Le cinéma c’est du dialogue muet. » 
Dialogue donc  et  « échange »  commerce   «  dette contre/comme paiement »  « copie » - le quotidien « Les échos » - répétition – redite – « l’économie dont l’autre nom est charité » - le double de Lennox – et reconnaissance enfin, encore.
Mais pour que cela s’échange, circule sous forme de mots, de « citations »  (c’est dire l’emprunt de paroles, la redite des mots d’autrui) d’images récurrentes, reprises au fil du film, de son flux de son reflux, il faut au départ un trou.
Un trou ? Ou un mystère : Je le verrais bien au plan 32 alors que les deux mains se rejoignent (celle d’Elena, celle de Roger) sous l’arbre de leur rencontre.


Et cette phrase de Bernanos (je crois) que Lacan reprendra à son heure pour un autre tour autour du trou. Cette phrase qui vaut pour définition de l’amour :
Elena :  Quelle merveille que de pouvoir donner ce qu’on n’a pas.
 
Lennox (doucement) Miracle de nos mains vides.

Si bien qu’à revenir à l’extrait ici et parce qu’en voix off au début du film, on entend Lennox dire :
Mais c’est un récit que je voulais faire...et je le veux encore. 
ce mystère au moment du « Ne te retourne pas » prend des allures d’un Orphée sauvée par Eurydice, revenante faisant à son tour revenir Orphée de l’épreuve qui la sauva. Il y a assurément une merveille dans ce film. On pourrait y tourner encore longtemps.