8.22.2013

City Lights : Lumière de la reconnaissance


Charles Chaplin : City Lights 1931


C'est une autre lumière qui jaillit parmi les lumières de la ville. Cette lumière advient  le regard de la jeune aveugle alors qu'elle reconnait sous les traits du clochard son fortuné bienfaiteur. Lumière de la reconnaissance.





Comment comprendre cette reconnaissance ? Comme un détour vers une évidence construite sur 3 répliques :

La jeune aveugle 





Le clochard







La jeune aveugle 








La dernière réplique, dans son apparente simplicité, laisse entendre aux spectateurs toute la richesse de l'instant. La jeune aveugle peut voir maintenant grâce à l'opération que le clochard a, par amour pour elle, réussi à financer.

Ayant recouvré la vue, elle, qui a été livrée au monde des apparences, peut voir au-delà de l'écran aveuglant des a priori. Sa dernière réplique en est l'aveu : oui je vois que mon bienfaiteur n'est pas le "prince charmant" dont je rêvais mais un vagabond. Oui, je comprends ainsi la vraie nature de l'amour. Chaplin atteint ici à l'universel. Les trois intertitres pourraient être supprimés. L'éloquence des regards suffirait alors que le cinéma à la sortie du film était devenu parlant ! 

Toutefois cette évidence qui éclaire les regards des personnages au moment de la reconnaissance a nécéssité des détours. 

Le détour essentiel est le hasard de la première rencontre. Hasard dont nait le quiproquo qui fera du gentil clochard un homme fortuné.  On sait que Chaplin a tourné cette scène durant une semaine,"chorégraphiant" (je le cite) les gestes des personnages. On pourrait formuler cette dynamique en œuvre dans le film : la puissance de l'évidence qui explose dans la scène de la reconnaissance est proportionnelle à la simplicité de son amorce. La reconnaissance nécessite le détour par l'anodin, par l'insignifiant, le fortuit. 

Un premier détour pour fuir la loi pour le vagabond, véritable chevalier errant :



et rencontrer sa destinée :







Une fleur tendue par la jeune aveugle est l'occasion de la première rencontre, une fleur offerte pour aumône au clochard sera l'occasion de la reconnaissance. Il faudra le temps du récit, ses tours et ses détours pour qu'à la fin du film, le geste de pitié de la jeune femme coïncide dans sa mémoire avec le geste qui scelle leur première rencontre. 

Evidence ? Mais de quelle évidence s'agit-il ? Charles Chaplin tenait à faire un film avec un personnage aveugle. Peut-être, autorisé par l'ambivalence du dernier intertitre, peut-on avancer qu'il s'agit de l'aveuglement que l'on identifie précipitamment comme de l'amour, mais qui n'est que fantasme, romance que l'on se conte, projection imaginaire d'un être fantomatique. Peut-être la cécité du personnage qu'incarne Virginia Cherrill est la métaphore de cet aveuglement

Mais l'évidence ? Le sujet de City Lights serait peut-être le visage. Visage dès lors qu'il n'est pas le masque théâtral, qu'il n'est pas mirage de l'autre. 

Le visage de la jeune marchande de fleurs apparaît à l'écran au moment où disparaissent ses illusions. 

Non pas ce visage se confondant avec son reflet


Ni celui dans la vitrine qui fait bonne figure





mais ce visage qui devient grave à l'instant où la jeune femme se sert de ses yeux...pour la première fois, c'est à dire pour re-connaitre. 



Visage farouche devant la vérité qui ne peut plus être masquée, lèvres refermées sur des contes qui s'effacent, yeux devenus perçants parce que la main sur la main du vagabond se souvient, elle, sans hésitation. Yeux qu'animent un regard enfin. Car la reconnaissance est cet instant où la vue que la jeune femme a retrouvée, la libère des apparences et des fantasmes. Elle voit enfin l'homme à travers le costume en haillons du vagadond. Elle voit enfin sur ce visage l'invisible de l'amour.






8.18.2013

Cinématographe : Mouvement de la lumière


Peter Greenaway : The Draughtsman's Contract 1982






Ces rares films où la lumière est l'objet même d'un plan...

 Peter Greenaway filme l'ombre portée des nuages dans la campagne du Kent. La lumière avance vers l'objectif de la caméra : lumineux mouvement d'un unique instant reproductible à souhait. Mémoire du cinéma.